26.06.15
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FENG GE : histoires de mains
C’était avant qu’ils prennent un nom – pouce, index, majeur, annulaire, auriculaire -, ces bâtonnets d’os et de chair tendre. C’était avant qu’ils ne deviennent les naturels instruments du calcul. Car compter fut d’abord un conte, un livre d’images à déchiffrer. Avant que le sens ne s’arrache au sensible et n’entraine l’esprit dans la ronde infinie des nombres.
Prendre, donner, pronation, supination. Main ouverte et tendue à l’autre. Vitalité primordiale de l’échange, où le geste anticipe les mots du langage articulé, où s’origine les prodiges de notre civilisation. Caresses timides puis hardies et frénétiques des amants. Car la vue appelle le toucher. Car le tact, aussi, est vision. Synecdoque inépuisée du mariage. Circulation incessante de l’esprit dans la main libérée de la pesanteur terrestre. Ce « dieu à cinq doigts » (Henri Focillon) qui détermine le destin de l’espèce humaine, de sphère en sphère, vers toujours plus de digitalité.
Quand soudain, du fond des corps, du fond des âges, montent la colère et la haine. Et la main, jusqu’alors légère, se crispe et se referme sur elle-même, devient poing. Et le poing devient marteau quand il s’abat sur d’autres hommes. Et les doigts deviennent des pinces qui enserrent d’autres mains, d’autres cous. Ils ne sont pas moins hideux quand ils insultent ou qu’ils accusent. Cornes, doigt d’honneur, désignation à la vindicte publique. Et le pouce n’échappe pas à l’ambiguïté, lui qui peut, selon son inclination, sauver la vie ou appeler la mort.
Feng Ge l’a bien compris: l’humanité, son passé et son avenir, sont entièrement dans nos mains.
EDUARDO MATA ICAZA ou le corps retrouvé
Ceci est-il un corps ? Non. Ceci est une carte. Une représentation d’un territoire inexploré et pourtant unique. Un pays où il pleut de la peinture, où la lumière vient de la Lune. Une contrée où nul ne peut s’aventurer sans le sésame de l’amour. Cette terre mystérieuse ne nous parle, cependant, que de nous-mêmes. Et c’est peut-être ce qu’il y a de plus difficile à connaître. Et c’est peut-être ce qu’il y a de plus important. Mais c’est ce que nous oublions toujours dans notre élan vers le monde, fascinés que nous sommes par d’autres architectures de peau, de muscles et de vaisseaux sanguins. Jusqu’à ce que la vie nous ramène à ce point d’ancrage : point de départ et point d’arrivée. « Ce qu’il y a de plus profond en l’homme, c’est sa peau.» Disait Paul Valéry. Car la peau est l’organe primordial. Car il n’y a pas de corps sans peau. Et tout ce qui nous arrive y laisse, peu ou prou, sa trace. Comme ces petites scarifications à la surface de cette toile. Ces sillons, ces lunules, ces tendons et ces lignes de force. Oui, nos désirs ne se gravent pas seulement sur nos visages. Et pourquoi le visage devrait-il toujours être le point focal de notre identité ? N’y a-t-il pas, dans notre géographie incarnée, d’autres zones aussi loquaces, aussi révélatrices de notre singularité ? Tant de signes particuliers nous demeurent inaperçus par l’interdit de la nudité. Par l’interdit, surtout, de se scruter avec la même curiosité que nous mettons à détailler l’apparence des autres. C’est d’eux que nous vient notre connaissance de l’anatomie humaine. Ecorchés ou mannequins, ils ne nous montrent que ce que nous n’osons pas voir dans notre miroir.
Eduardo Mata a rejeté tous les modèles, sans doute parce qu’il allie la souplesse mentale de l’artiste à celle, physique, du gymnase. Son projet de beauté plastique – qui est aussi quête de connaissance de soi -, il l’a trouvé dans sa propre image. Se mettre nu est pour lui une mise à nu. En cela sa démarche reste parfaitement transgressive au regard de la morale commune. Mais cette image inspiratrice n’est ni complaisante ni statique. Elle s’oppose au narcissisme inquiet des autoportraits classiques tout autant qu’à celui à celui, béat et stupide, des selfies contemporains. Elle n’a de sens que dans le mouvement représenté. Et ce mouvement, qui se décline en différentes positions, n’est pas qu’une étude renouvelée de nos possibilités axiales dans l’espace ; c’est aussi un parcours initiatique qu’il dessine, de tableau en tableau, de l’être douloureusement replié sur lui-même à l’éclosion prudente de la rose. Ainsi prend forme un alphabet silencieux et libérateur.
Jacques LUCCHESI
EDUARDO MATA ICAZA – « Future » – 106 x 100 cm
EDUARDO MATA ICAZA – « Hors de soi » – 106 x 100 cm
EDUARDO MATA ICAZA – « L’énigme » – 106 x 100 cm
EDUARDO MATA ICAZA – « L’infini » – 200 x 130 cm
EDUARDO MATA ICAZA – « la mémoire et l’oubli » – 200 x 130 cm
EDUARDO MATA ICAZA – « Obsession » – 198 x 150 cm
EDUARDO MATA ICAZA – « Soleil noir » – 198 x 150 cm